Les relations de compétitions-prédations entre la Truite et l’Ombre Commun

Etude réalisée par le Professeur Henri PERSAT (CNRS de Lyon), spécialiste renommé des salmonidés, sur les relations de compétitions-prédations entre la Truite et l’Ombre Commun.

La truite occupe les eaux fraiches et turbulentes offrant de nombreuses caches (blocs, souches…) tandis que l’ombre se cantonne aux grands courants lisses et dégagés que la truite ne fréquente que sporadiquement faute d’abris. Ainsi, en cas de dérangement, l’ombre fuit en plein eau vers l’amont ou l’aval quand la truite, elle, file se réfugier dans sa cache. Les deux espèces sont naturellement appelées à se côtoyer à la limite de leurs habitats respectifs mais la compétition reste limitée. En écologie, on dit que leurs niches respectives ne se recouvrent pas. Par ailleurs, les petits ombres peuvent constituer une proie pour les truites, au même titre que toute autre espèce de poisson, truites comprises, tandis que la réciproque n’est pas vrai, l’ombre se nourrissant essentiellement de petits invertébrés capturés dans la dérive ou au fond. De ce fait, la présence de l’ombre ne peut impacter que très modérément la densité naturelle de truite par détournement d’une petite partie de la composante invertivore du régime de cette dernière, mais dans l’ensemble, on peut considérer que la biomasse de salmonidés dans une rivière contenant les deux espèces est supérieure à celle d’une rivière de même physionomie ne contenant que de la truite, même si celle de la truite seule pourrait être légèrement supérieure en absence de l’ombre.
Au niveau de la reproduction, l’ombre frayant au printemps (mars-avril) et ses alevins émergeant un à deux mois après ceux de la truite déjà nettement plus gros dès l’émergence, la compétition ne pourrait se faire qu’aux détriments des alevins d’ombre si cette espèce n’occupait pas des types de cours d’eau offrant des habitats n’intéressant pas la truite. C’est d’ailleurs pourquoi il n’y a pas d’ombres dans les torrents les plus affectionnés par la truite.
Maintenant, les jeunes ombres étant bien moins méfiants que les truites et occupant des habitats dégagés beaucoup plus faciles à pêcher (pas de risque d’accrocher la ligne dans des racines ou des blocs), la probabilité que les pêcheurs en capturent plus que de truites est naturellement bien plus élevée, ce qui peut agacer, notamment durant la période entre l’ouverture de la truite et celle de l’ombre, tout en donnant la fausse impression qu’il y a moins de truites qu’avant l’arrivée de l’ombre. Pour ceux des pêcheurs de l’Aude qui fréquentent aussi les gaves pyrénéens, on peut préciser que l’habitat des tacons, grands courant turbulents, s’inscrit entre ceux de la truite et de l’ombre, repoussant ces deux espèces dans leurs habitats d’élection, caches en marge du courant pour la première, grands courants lisses et plus lents pour la seconde.

Henri PERSAT